Le théâtre est un espace unique d'humanité. En attendant sagement devant, sur le trottoir dans une rue passante, avec des petits groupes de personnes venues ensemble pour se divertir, discutant, buvant un verre sur le zinc d'en face, s'impatientant devant la porte, les places avec les numéros pairs ou impairs, chacun son côté. Puis la délivrance, pardon l'ouverture des portes, l'ouvreur, ses consignes, les gens assis, les places ici et là, le confort du velours, la scène vide, les décors, une autre attente plus brouillonne, plus confuse , plus bruyante, les derniers mots, les coupures de téléphone, une bise à ma compagne. La lumière baisse, les acteurs apparaissent, un journal, quelques pas, un bureau, un silence, une première conversation, le ryhtme s'envole tout de suite.
La plongée, presque le vertige des mots, le précipice qui vous emporte directement dans la situation, le phrasé ciselé par une écriture claire, précise et énivrante. Lui le psy, fatigué de tant d'années auprès de ses patients, des fous, des incompris, des déprimés et autres variantes de l'esprit humain, il en a cure. Il veut une retraite tranquille dans le Sud. Mais son départ déraille avec la venue saugrenue d'un couple, un homme et une femme, amoureux et pourtant persuader de l'infidélité de l'autre, plus encore de la folie assurée de l'autre, et réciproquement. Confusion de désirs, méandres des mots avec d'autres maux, un peu d'amour et toujours des portes ou des fenêtres ouvertes, les trois actrices et les deux acteurs se croisent dans cette maison, elle-même folie dans sa construction d'origine.
Tout cela se tient sur le fil énergique et drôle des idées, des vérités et des aberrations volontaires de l'auteur Sacha Guitry, avec une mise en scène vivante, moderne qui décuple son énergie pour mieux appuyer les loopings de sentiments humains. On rit, on respire, parfois on retient son souffle jusqu'au prochain sourire, accompagné du jeu de scène, repris par le prochain rire commun à toute la salle. Car les rebondissements sont bien là, avec au passage des messages sur la réalité du mariage, de l'amour, des émotions et des palpitations non contrôlées du coeur et de la chair, sur l'infidélité et ses conséquences, avec une pointe de cynisme et quelques sarcasmes d'époque. La pièce écrite en 1938, par un maître des mots, trouve une place contemporaine dans sa vision du couple. L'ensemble est ciselé pour embellir chaque facette double ou triple de chaque personnage, pour attiser les reflets entre eux. Brillante interprétation pour le psy Olivier LEJEUNE halluciné par la vie professionnelle, hédoniste pour le bien de ses patientes, avec un texte fort juste, mais aussi pour la "slave" Lola DEWAERE, prenante dans sa fougue, charmeuse avec ses courbes voluptueuses, féministe dans sa raison d'aimer. Le mari Manuel GELIN séduit, fond, aime, achète, surprend son public par ses airs anodins et perdus. La gouvernante un brin fêlée Alice CAREL décoche les répliques avec ferveur, jouant l'élastique entre les situations, devenant la voix off des croisements. Plus discrète, la coutrière Mathilde HENNEKINE sert de levier à la comédie, au milieu de ce tourbillon de drôlerie.
Alors oui, définitvement OUI, le théâtre est une magie humaine, ce contact entre le public enthousiaste, captivé par cette histoire, et ces acteurs délivrant la mélodie millimétrée d'un Guitry en verve. Réflexions sur le sujet qui touche tout le monde, mais surtout belle soirée de rires. Cet échange humain, bien réel et bien vivant, sans aucun espace de virtuel cher à notre époque, délivre une complicité qui se retrouve dans les applaudissements nourris de fin du spectacle.
Et quand Monsieur Olivier LEJEUNE prend le temps, à la fin, de présenter chacun des acteurs avec des mots choisis, avec un amour sincère pour son texte, pour son auteur, le bonheur ajoute quelques palpitations à nos coeurs comblés.
Encore MERCI !!!
Allez vous aussi au théâtre pour voir :
LA FOLIE
pièce de Sacha GUITRY
Avec Olivier LEJEUNE,
Lola DEWAERE, Alice CAREL,
Manuel GELIN, Mathilde HENNEKINE ou Marianne GIRAUD
Mise en scène Francis HUSTER
Merci à la blogueuse Dame SKARLETTE
pour cette découverte souriante !