Attention soldes en cours, afflux de flots incontrôlés d'hormones acheteuses, tsunamis de toutes parts derrière les vitrines, dans les portes ouvertes et au final dans les rayons, pour une noyade assurée dans les cabines d'essayage. La mode est là, en overdose de joie, de coups de coude, de choix limité ou au contraire à profusion, sans limites.
Mais après les chaussettes dans les escarpins, les imprimés à faire déprimer un caméléon écossais, achetés et déjà oubliés dans le fond du dressing, le retour non-gagnant de la jupe-culotte si féministe et si peu valorisante d'une silhouette de femme, je suis les tendances en feuilletant les médias au féminin avec un esprit curieux mais circonspect. Presse papier ou blogs nombreux sur le net français ou international, je pose mes yeux, je lis et surtout je doute. Le goût reste personnel certes.
Le snobisme est-il le complément naturel de la bêtise dans la société actuelle ? avec le temps de la futilité, où la mode semble se perdre. Alors quand je vois les nouvelles et folles idées pour la prochaine saison, dans notre monde si rapide qu'il met en avant l'hiver en plein mois de juillet, les soldes avant même le début de la saison, sans réel équilibre avec la météo, bonne ou exécrable de l'instant. Je savoure le présent, je m'arrête.
Parfois même je trébuche hors de la mode, dans d'autres tendances. Le champagne avec des glaçons, après la version avec des pailles de couleurs pour l'été. Les petites robes fluides en terrasse ou dans le lounge-bar vont jouir. Rien de moins. Plus que les conjonctivites données par les photos floues de mode, même si j'ai des hauts le coeur encore et toujours avec les mi-bas, parfois des vomissements incontrôlables face à cette faute de goût, quelques soient les jambes associés. Là face à cette publicité, reprise plus loin par un article dithyrambique sur la plage et les nouveautés incontournables de cet été, j'ai vu la buée, la flûte et dedans, des glaçons dans un champagne rosé. Une hérésie totale. Une abomination. Une oeuvre du diable en personne. A moins que cela ne soit un buveur d'eau plate ...
Epucrien je suis, et les bouteilles de champagne ont longtemps été les fidèles de tous les moments festifs ou amicaux. Toujours disponibles par caisses entières pour les classiques, dans de belles boîtes pour les cuvées d'exception, pour les millésimes charmeurs, avec même un stock rare de vieux millésimes, pour se réjouir de la vie, pour fêter des évènements et aussi des non-évènements, pour partager un peu de folie, de bonheur et d'insouciance. Parfois en magnums, en jéroboams, non pour le bling-bling mais pour doubler, quadrupler, démultiplier les flûtes et les sourires.
Alors non, Non, NON, définitivement NON ! Le froid est utile pour rafraîchir les cuvées, mais pas trop. Même sur une plage de sable blanc, dans une crique secrète d'eau bleue saturée, entourée de cactus et d'iguanes sur des falaises brûlantes, avec mes amis et membres officiels du Champagne Curaçao Club, et sous un soleil de plomb, jamais de glaçon dans le verre. Autour de la bouteille, en masse pour jouer de la thermodynamique entre les matières, mais uniquement pour assurer un confort de dégustation, de joie et de bulles fantaisistes avec nos neurones enthousisates. Jamais le froid, le gelé, le glacé, le congelé n'ont rêvélé les parfums des cépages, du travail long de maturation du vin. Encore moins en diluant avec de l'eau (pure ou non...) dans le liquide d'or. Jamais les bulles collées par les aspérités minuscules de ce bout d'iceberg ne sauront affirmer le plaisir du vin le plus souriant du monde, même sous le soleil le plus fort. Même sur un yacht d'ailleurs.
Si le marketing aspire à nous faire rêver, à moderniser aussi, à nous emporter dans une réalité plus féerique que notre vie, pour une fois, pardon, encore une fois, je suis profondément contre cette idée. Je vois les rayons du soleil poindre leur nez sur ma terrasse, face à la forêt, dans un espace qui l'attend depuis le printemps, je sors les flûtes, je pense déjà à la cave fraîche. Un seau à glace, un peu d'eau froide, quelques glaçons à venir dedans. En bas, dans le noir, juste avec une lampe douce, je vais réveiller une cuvée, une marque, le travail dans la vigne durant des mois, sous les affres de la météo locale, le travail de l'oenologue et du maître de chai, l'élévage, les années de repos, les bactéries et le jus des raisins. Un tout appelé Champagne, digne source de bonheurs, d'amitié et de belles émotions avec des personnes, des amis, des fidèles.
Bientôt des bulles avec vous (sans glaçons !), avec la chaleur de vos coeurs uniquement !
Gentleman W