Je ne l'avais jamais vue.
Et pourtant elle était là, devant moi. Elégante dans cette robe choisie avec justesse, embellie par les conseils de cette vendeuse, dans cette petite boutique, proche de chez moi. Pas des compliments pour me vendre la plus chère mais pour prendre en compte mes courbes, les rondeurs du temps, les excès au-dessus des hanches mais aussi ma poitrine pulpeuse que je ne peux pas cacher. Que je ne veux pas cacher !
Car dans ce miroir, je me voyais enfin, j'ouvrais les yeux.
Lui, cet homme que j'aime m'avait un peu refroidi avec sa franchise, mais surtout en précisant que ce n'était pas un jugement ni même un reproche, juste un constat positif. Il n'était pas aveugle en me regardant, il voyait ma silhouette, nue ou habillée, en mouvements ou allongée sur un lit, il me connaissait par coeur. Aussi, ses sentiments étaient toujours les mêmes, plus encore quand il m'entendait me décrire, ronchonner face à mon corps dans le miroir. Là il se fâchait avec délicatesse. Ne cherchant pas à cacher la vérité, oui les rondeurs, mais s'opposant à mon regard négatif. Excessif même avait -il ajouté avec fermeté ! Car si d'un côté j'étais bien consciente que mon corps changeait, évoluait avec le temps, l'âge surtout, avec l'activité et le stress de mon travail, avec cet abonnement à cette salle de sport dont je ne rappelais pas mon dernier passage. Lors de mes instants personnels, sous la douche, en prenant le temps de bein étaler la crème ici et là, avec ce miroir juste derrière, j'apercevais mes jambes, mon buste, mes bras, ma tête.
Et sans concession, je n'y voyais plus que le côté obscur, le relâchement ici, le petit boudin là, trop présent, ce ventre, cette peau molle ici encore, mes fesses plus rondes, mes jambes plus flasques. Pire encore, mes petits doigts, mes orteils sans charme, et il était entré, j'avais déballé mes impressions, une fois de plus. Il aurait pu rire ou m'écouter sans vraiment m'entendre. La routine de certains couples, la fadeur quand certains ne regardent plus l'autre.
Mais son attitude fût inverse, choquante en recevant les premiers mots. Il refusait de croire en mon regard car lui voyait une autre femme. Certes il pouvait, il l'a fait partiellement, faire des remarques, constater lui aussi des changements. Nous n'avions plus vingt ans, et ma morphologie n'était pas d'être un mannequin filiforme. Alors il a défendu, pour s'opposer à ma défense trop sombre, à mes arguments trop négatifs. Il a pris le miroir, le vrai, celui de ses yeux, celui de mon corps, de ma réalité mais aussi de ses sentiments, de ses mains, lui si tactile. Nous initime, nous nus, nous en corps à corps, nous aussi dans des câlins. Il a exprimé clairement cette relation charnelle, mais bien évidemment il a pris ce recul sur la mode, sur mes tenues, sur notre quotidien. Sans reproches, mais fermement en opposition sur mes critiques infondées, avec de beaux conseils, avec des espoirs, communs d'ailleurs car lui aussi à sa silhouette qui a évolué, gonflé, changé. Il a repris chacune des courbes, les replaçant dans notre bonheur, dans mon allure, dans mon âge et dans mes désirs. Avec ses arguments, il ne m'a conforté dans mon corps actuel, mais avec quelques changements accessibles et réalistes, atteignables, et à mon ryhtme. Avec de l'amour, il a demandé à mes yeux d'accepter cette beauté matûre, naturelle et rayonnante. Elle est une part de moi, il m'en a convaincu, rajoutant sans coeur et ses émotions pour le dire, le redire et souvent le répéter. Changer, réajuster, croire surtout, se sentir aimer et au final s'aimer !
J'ai fini avec quelques larmes de bonheur, et un large sourire.
Il m'a embrassé, serrant toutes mes courbes dans ses bras.
Nylonement
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