Un long week-end commencé dès vendredi matin, pour accompagner le mariage d'une de mes soeurs, nichée dans mon écharpe moelleuse, je ne pense qu'à dormir dans ce train qui remonte vers chez moi. Trois jours intenses, un long voyage dans nos différences, le temps passe vite, trop vite, les mois qui séparaient avec force nos deux classes en primaire et pour le reste de nos études, se sont évaporés, nous voilà trentenaires tout simplement.
Si éloignées.
C'est pourquoi j'avais tant envie de les revoir toutes et tous, la famille en particulier, que je ne vois plus beaucoup, par manque de temps, avec moins d'envie aussi. Une bande de copines, des moments solitaires, c'est dans ma nature. Différente de notre tribu sans être le canard noir, juste un cygne noir dans un melting-pot bariolé, avec des envies sortant de leurs habitudes, de leurs traditions. Certes la génétique devient relative avec un inné brouillé par la recomposition de notre cellule familiale, d'un côté comme de l'autre. Ainsi après quinze ans avec une seule soeur, ma grande soeur, moi la dernière, je me suis retrouvée au milieu d'un groupe avec deux garçons, les nouveaux amours de mon père.
Puis quelques années plus tard, car ce fût plus dur pour elle, ma mère à rencontrer un homme, plus jeune, sympathique, discret, mais avec lui aussi des enfants. Deux nouvelles soeurs, des routines différentes, des blondes, des bruns, des rousses, des grandes et des petites, des morphologies variées, des histoires et des éducations, surtout des week-ends à géométrie variable. La table était toujours grande, le contact en tête à tête difficile avec les parents, surtout dans une fin d'adolescence, face à des choix de vie, d'études, des doutes de futurs jeunes adultes, j'ai pris du recul, je suis devenu indépendante. Le temps a avancé, naturellement jour après jour, mois après mois, en dévorant le calendrier, nos relations se sont plus ou moins nouées. Avec certains j'ai eu le plaisir de partager des concerts, des soirées, des moments complices ponctuels et des souvenirs, avec d'autres j'ai râlé sans retrouver certaines de mes chaussures, la mode semblait être notre lien implicite, mais ses jeunes soeurs ne savaient pas vraiment demander avant d'emprunter dans mon ancienne chambre.
Moins de souvenirs avec elles, on ne se croisait pas assez, je n'avais pas tissé cette fibre dépassant le niveau de simple relation, elles m'étaient étrangères. Mes parents étaient heureux, je menais au mieux mon futur parcours professionnel, mon premier studio.
Alors le temps a marqué cette distance entre eux et moi, mes déplacements à l'étranger, un boulot prenant, une fatigue réelle mais assumée, et les fêtes de famille décalées chez les uns et les autres, aux quatre coins de la France, je me faufilais entre les dates, les lieux. Sans envie. Les premiers amours et les premiers mariages, là c'était ma soeur de sang, mon aînée.
Finalement j'ai été pour la première fois avec eux tous, leurs gamins, leurs bébés, leurs femmes et leurs petits copains, leurs maris. Une troupe de gens, d'amis de ma soeur et de son nouveau mari, des discussions sur l'amour, sur la météo, sur le boulot, sur tout ce qui forge un rien dans une discussion avec des quasi inconnus. Etrangement je me sentais aussi proche d'eux que de certains amis, sans lien familial. Sur la photo des frères et soeurs des mariées, j'ai regardé les personnes, ne sachant plus vraiment qui était de notre côté, trop de facettes.
Et puis les différences, ma robe robe, cette couleur qui est ma touche de feu, tous les jours avec moi, ma signature dans ma vie courante, je l'ai porté fièrement au milieu des couleurs fades, des tenues génériques. Rouge en version robe longue, en version courte quand le soleil est revenue, en trench ou en robe moulante, j'ai abusé de la couleur écarlate, même aujourd'hui dans le train, avec mon jean, des ballerines rouges et vernies.
Le plus marquant aura été ce vide laissé par ma venue seule à ce mariage. Tous étaient en couple, plus ou moins officiel, durable et parfois avec les gamins associés. Une fierté exposée comme une validation de statut social, une normalité que je ne trouve pas indispensable. Je vis sans personne. Indépendante mais surtout solitaire, heureuse et sereine ainsi, jamais je n'avais dû le justifier avec mes collègues et amis, mais durant tout ce week-end, je me suis répété sur cet oubli d'abord en rigolant, sur ce vide ensuite, sur mon avenir sans enfants de plus, sur une possible nouvelle sexualité aussi, sur cette liberté enfin.
Je tombe de fatigue, mais ce fût épuisant de danser, de discuter, de me sentir si différente, j'attends de rentrer dans mon cocon, celui de ma vie, de mes mille occupations, de mon travail, seule et infiniment heureuse.
Nylonement
texte publié sur un autre blog
www.absolue-feminite.blogspot.fr
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