Juste un effluve d'air, ce petit matin d'automne, ce filet froid qui filtre entre les pans d'une fenêtre, les premières lueurs du jour, l'odeur d'un thé fumé, je suis seule.
Sur ma chaise, je suis venue plus tôt dans ce lieu dont j'ai tant rêvé, gamine, adolescente, jeune femme, mais maintenant je suis là, je commence à faire partie des lieux, discrètement certes. Un atelier, un cocon de tissu, avec des étagères, des tringles, des pinces pour étendre les matières, les largeurs entières de soieries, les pièces plus petites décorées de mille paillettes et de quelques perles. Depuis mon arrivée, comme simple petite main, je coupe, j'apprends tous les jours à couper juste, à suivre les patrons, à confectionner avec précision dans une totale délicatesse les broderies, les millimètres pour suivre un galbe parfait, né du dessin de la créatrice. Un simple croquis, il y en a partout ici, annotés de détails, de mesures, de couleurs, de détails cachés, de coutures inversées, de plis délicats pour un rendu parfait. Je m'imprègne de tout cela chaque matin avant le rush de nos longues journées, surtout quand les fashion weeks approchent, les défilés avec. Ce matin, c'est un calme lumineux, une jeune femme, arrivée comme moi en avance, passe avec une finesse infinie son aiguille dans les épaisseurs, pique, repique et coud des vagues sur une robe d'exception. C'est beau, comme tout cet atelier avec les instants magiques transformant heures après heures des matières nobles, des dessins, des lignes de crayon ou feutre en un vêtement original, souvent unique, du sur-mesure. Ce savoir-faire, long à acquérir, difficile à décomposer, laborieux et avec un apprentissage répété, avec une qualité irréprochable, ces gestes élégants pour créer de la mode. J'en rêvais petite devant les magazines de ma grand-mère, j'ai tant dessiné des robes de princesse puis j'ai cousu mes premières folies personnelles, des esquisses, des premiers pas. Essais réussis ou parfois plus improbables, j'ai toujours aimé cela, et le temps passant j'ai décidé en plus de mes études classiques de me focaliser sur cette magie. Pour moi, pour mes amies, pour quelques personnes, pas vraiment clientes, plutôt des curieuses, des relations intriguées par un modèle, par une de mes créations, devenues le plus souvent de nouvelles amies de mode. Et un jour, l'une d'elle m'a poussé, m'a ouvert la porte de cet écrin, m'a recommandé à cette designer, m'a même proposé d'habiter la chambre de sa fille pour être plus proche de mon nouveau lieu de travail. Une passion, un rêve quotidien !
Nylonement