Petit matin, heures indéfinies. Dormir, enfin m'écrouler, après la fête d'hier, trouver un coin et sombrer.
Ah les études, les heures de travail accumulées avec les petits jobs d'été, avec l'agenda des cours, des TP et puis surtout les transports. Une pensée à notre société qui a voulu des diplômés, en oubliant de construire des universités modernes avec des chambres à côté, surtout à un prix raisonnable. Alors hier après-midi j'ai bossé dans un magasin, un nième boulot, de vendeuse, précaire, au gré des envie de patrons exploiteurs. Ils n'ont qu'à tendre la main, elles sont dix, vingt, cinquante à attendre ma place. Parfois il mate mon derrière, je le sais, nous le savons toutes ici, surtout depuis qu'il a imposé une tenue "plus marketing, plus accrocheuse" à chacune de nous. Tee-shirt blanc, moulant, une taille en dessous, demandez à Clara avec son bonnet D, elle frise l'explosion. Une jupette noire courte, vraiment mini-jupe, un collant opaque noir que nous avons demandé car il devenait impossible de se pencher. On dirait des hôtesses au salon de l'automobile. Bref, j'ai bossé, j'ai vendu des fringues, rangé le stock, réceptionné des cartons, poussé le tout au fond du magasin, souri à des clientes polies et aussi impolies, nettoyé, compté, recompté. Vannée mais ensuite je suis rentrée dans mon petit appart, un studio exactement. Un truc avec quatre murs précisément, un lit, une table de travail, pas vraiment pour manger, un coin évier-cuisine, une douche et un lavabo, des toilettes, une surface géante dont je ne veux pas savoir les dimensions, je connais le prix du loyer. J'ai bossé tard, passant quelques coups de fil à mes amies, m'épuisant sur des devoirs, des préparations de droit fiscal, mon avenir.
Aujourd'hui, j'ai filé en jean et chemise colorée aux différents cours, et après ? Un retour rapide à mon petit chez-moi, une balade dans le frigo vide, une salade et une soupe, un bout de fromage, juste le temps de prendre une douche, une ponctuation de fin de semaine avant l'heure avec le pont. Un jour de repos, non deux, enfin quatre avec le week-end car la patron ferme la boutique. Pas payée mais libre. Du temps, ce qui me manque le plus.
J'ai profité sous la douche, comme une renaissance, un long moment de bien-être, avec un lait d'avoine léger sur ma peau, doux tant dans sa texture qu'avec son parfum. Je connaissais mon occupation du soir, une sortie entre filles, toutes célibataires ou presque, sans aucun mâle, notre rituel de papotages, de ragots aussi, de bonnes affaires et de mode, de détente assurée. Toutes dans la même tranche d'âge, des études en cours ou un premier boulot, la confusion parfois dans nos têtes entre la société vendue par nos politiques et la réalité amère du marché du travail. Mais ce soir on oublie cela, on positive, on rit, on sourit, on réconforte parfois, on se marre, on rigole parfois même dans sa première acception. Ce soir, petit resto dans un coin du Marais, notre bande. J'enfile de jolis dessous liberty jaune, une folie pleine de couleurs, un bonheur d'été, tout cela sous une robe jaune dégotée dans la boutique de mon labeur. Un coton léger, un jaune vif, banane, une petite noeud noir à la ceinture, plutôt d'ailleurs sous la poitrine, comme pour marquer un effet taille haute. Je l'adore. Des bas plumetis, des talons, ceux que je ne sors jamais, ni pour les études, ni pour les transports, ni pour le job.
Je me sens femme, je me sens bien. En riant, je verrai bien les bras de mon amoureux autour de moi. Encore faudrait-il que j'en trouve un, juste à caler dans mes horaires de la semaine, pas trop encombrant, mais juste réconfortant, pas trop collant, mais bien présent quand je le veux, quand j'en ai besoin.
Ce soir, je suis épuisée, on a dansé, chanté, parlé, crié. Une soirée par hasard, une autre bande dans le même resto, on les a suivi pour finir dans un loft géant, de la musique, des gens sympa, des jeux de lumière toute la nuit. Des canapés, des mezzanines pour boire, parler encore malgré le bruit, rencontrer des nouvelles têtes. J'ai bu un peu trop probablement, plus la fatigue. Des souvenirs oui des remarques et des compliments sur ma robe, des sourires, un regard aussi, plus fort d'un beau mâle, jusqu'au retour de sa blonde aux yeux énervés. Un grand rire, du bon son ainsi qu'un coup de fatigue. Là maintenant, je suis lovée dans un coin, entre deux fauteuils, je me suis écroulée. Je dors.
Nylonement
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