Libre, seule mais sereine, presque du moins, le temps de la digestion.
C'est ici que j'avais rencontré mon prince charmeur, dans ce riad marocain, durant un séminaire pour entreprises, des consultants, des spécialistes, des experts, des commerciaux, du gratin dans mon secteur. Des journées boulot le matin, détente, golf, piscine et autres balades l'après-midi, des soirées un peu folles, des repas fabuleux dans la fraîcheur nocturne du jardin immense, des coins et des recoins. On avait dansé tard, le deuxième soir surtout, les plus gros messages étant passés, la centaine de personnes se lâchait, discussions professionnelles au début puis plus de liberté. Des couples car la société hôte ne négligeait personne, ni les cadeaux, ni les billets gratuits, pour "le travail" et pour le fun, mais avec l'objectif de vendre nos produits ensuite. Juste les nôtres.
J'étais alors célibataire, libre de profiter de ce lieu magique, de ce pays formidable, des activités touristiques ou sportives. Des groupes, des affinités, des couples plus seuls, la barrière de l'anglais ou l'envie de profiter à deux. Plusieurs riads reliés pour des dizaines de chambres, du personnel discret, du thé à la menthe, et ce jour-là lui, le beau mâle, le commercial sûr de lui, conquérant, un peu en confiance. Il avait essayé, sans trop cacher son jeu, envisageant vite un duo avec moi, plus que professionnel, le grand coup du dragueur. Avec le soleil, l'ambiance aussi, j'avais fini par en rire de ses avances, de ses compliments sur mes robes, sur mes chaussures, sur mon élégance, et puis j'avais craqué. Ses bras, son odeur, la chaleur, le thé, les fleurs du jardin, un parfum d'ailleurs et puis pourquoi pas.
Voilà deux ans que c'était comme cela, car nous avions des réunions régulières, des séminaires et autres colloques, chacun volontaire de notre côté, nos vies autrement, le boulot comme trait d'union et de galipettes joyeuses. Un bonheur fort ! Avec quelques virgules, sans trop s'encombrer, sans trop s'envahir, j'avais compris qu'il était marié, et moi, je voulais, qu'est-ce que je voulais vraiment ? J'étais bien avec ce presque gentleman quand il lâchait son portable et sa famille lointaine. Nous étions heureux, complices, charnellement très jouisseurs du corps de l'autre. Des sex-friends, peut-être un peu plus, mais pas trop obligés par l'autre, cela chagrinait ma meilleure amie, elle ne voyait pas dans quelle case le mettre.
Je n'y jamais réfléchi, même quand mes soeurs ont annoncé mariage, bébé et maison, tout cela ce n'était pas pour moi. Mon appartement me suffisait, ma liberté et mes amis aussi. Le lit certes froid certains soirs, pas toujours non plus, n'en déplaise à ce monsieur. Je vivais comme une trentenaire libre de son corps, de sa vie, de sa profession, de son salaire et de toutes ses décisions. Libre.
Libre encore plus aujourd'hui, car finalement cet homme devenait jaloux de tout cela, mais se cachait derrière sa femme enceinte du second enfant, sur ses projets si personnels, sur un impossible divorce que je ne lui demandais pas. Un mâle régnant, croyant annexé mon fief, mon chez-moi en plus du sien.
Non. voilà ma réponse quand il a demandé pour le prochain colloque.
Et puis l'organisateur étant un collègue, j'ai fait envoyé une invitation "Mr et Mme ..." chez lui, avec une lettre "comme la dernière année, nous pourrons vous réserver une chambre double pour votre venue...". Etrangement, lui aussi a été obligé de dire "non"
J'aime le soleil sur mes épaules, le goût si sucré du thé à la menthe, très chaud, les parfums du jardin.
Nylonement
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