J'aime les instants imprévus, ceux qui me confortent dans le plaisir du quotidien routinier en jugeant certaines idées trop folles pour être vécues, mais surtout j'aime quand tout bascule. Comme là maintenant, simplement, quelques mots, un sms.
Une réunion sans fin, des rapports accumulés cherchant un point final, une climatisation à bout de souffle, des gens énervés de devoir se remettre au travail, des absents qui ont toujours tort, des stagiaires qui fêtent trop leurs nuits post-bac, des ordinateurs qui ne supportent plus la chaleur, d'ailleurs si présente. Je suis entre mon clavier, mon thé froid, ma bouteille d'eau et même avec un brumisateur, une robe légère, mais la tête est en surchauffe, endolorie par la température et le stress de ce plateau. Vive les openspaces, le partage mutualisé des odeurs de sueurs, des courants d'air vains dans une pièce sans un souffle. Je suis vannée, en attente de pauses, mais une première année de boulot, pas vraiment de vacances, juste des ponctuations, des week-ends prolongés pour des mariages familiaux ou un séminaire pas vraiment reposant.
Un sms, ses mots, mon amoureux et une liste. Au début, au premier bip, j'ai souri, toujours contente de lire ses bises ou bisous, mais ensuite est venu un déballage de bips, de vêtements, de robe de plage, de couleurs, de bikini, de sandales ou de claquettes, des photos avec de ma garde-robe. Cela défilait sans s'arrêter, au point de couper le son des réceptions régulières. Et cela continuait, encore, encore un peu, plus. Pourquoi me vidait-il tous mes tiroirs, mes tops d'été, vantant au passage celui-ci si joli , jamais mis, ce monokini bleu si joli, cette jupe à larges rayures, cette marinière courte. Un grand bazar, des photos, un blanc, un smiley joyeux, des mots sur un papier, des coeurs.
Et une photo de la valise prête, avec des précisions sur le sac de maquillage et autres produits de toilette, de brosses à cheveux et autres colliers.
"Départ ce soir vers la mer !"
Une interrogation, une pile de rapports devant moi, les vagues vraiment loin derrière, à peine un clapotis, du boulot encore là. Ma chef justement venant vers moi, le sourire, sa bouteille d'eau et deux dossiers avec elle. Droit sur moi, mon téléphone retourné, perdue, je ne sais plus quoi faire, je rêve tant de ce sable fin, d'une tenue légère pour un océan frais. Son sourire, si rare, surtout ces derniers jours.
"Deux dossiers que l'on voit ensemble tout de suite." Deux noms de clients, je prends mes notes, je la suis dans une salle de réunion, plus discrète, loin des claviers, téléphones et autres ventilateurs.
"On clôture cela avant ce soir. Les autres attendront la semaine prochaine. Ton copain m'a appelé, et après un beau discours, m'a demandé de te mettre en congés. Une bonne idée. Un amoureux organisé... gonflé et ... très amoureux."
Cet fin d'après-midi, j'ai bossé pour trois, rendant les dossiers sus-nommés avec une joie inégalée. Lui attendait en bas, dans la voiture, ma valise, sa valise, direction la mer.
Nylonement
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