Premières envies, premiers mots, premiers livres comme une obsession de petite fille, de gamine, de bébé encore en maternelle. Combien de fois ais-je apporté des livres et mon doudou vers le canapé, pour tourner les pages, comme mon papa près de moi, comme ma maman souvent le soir devant la baie vitrée du jardin. Ils lisaient souvent, ils me lisaient des histoires.
Du haut de mon pyjama constellé de princesses et de licornes, je frottais mon doudou sous mon nez, je regardais les images, je voyageais déjà. Aussi avec une terrible volonté, j'ai voulu lire avant les autres, comme un absolu sur mon chemin de croissance. Ils ont pris le temps, presque deux ans avant l'âge normal, en étudiant une méthode dite magique, et sans baguette, j'ai lu des lettres, plutôt des sons, des morceaux, des mots, des ensembles de mots. Je verbalisais naturellement ma lecture, une voix de môme pour déchiffrer avec gourmandise mes premiers livres. Des histoires de mon âge, des livres relus, appris quasi par coeur, des jeux avec les lettres, les voyelles et les consonnes, ils s'amusaient de mon désir si fort.
Jamais ce délice n'a réussi à me rassasier, car plus je découvrais des ouvrages, des pages de papier, plus j'avais envie de lire encore. En avance sur ma génération, oui dans le temps, en sautant une classe, en jouant avec les autres, mais avec ce plaisir réel, surtout durant les saisons où sortir devient duo avec la pluie, le vent ou le froid, j'avalais un bon livre dans un fauteuil, chez moi, tranquille. Ici, tout le monde lisait le soir, la télé souvent muette, un fond de musique, du jazz ou du classique mais aussi des groupes plus branchés, des moments de nostalgie aussi pour mes parents. A chaque auteur, à chaque histoire, un nouveau voyage dans l'imaginaire. Des petits récits, des classiques, de romans, des thèmes de plus en plus variés, des documents aussi, des carrefours avec l'histoire ou l'art, je ne me suis jamais arrêté. Picorant dans les étagères des multiples bibliothèques de famille, demandant conseil, attendant les sorties pour acheter des nouveautés, j'aimais grandir et les mots avec moi.
Ogre, je suis, de tous ces chapitres croqués sur le canapé avec maman, dans le fauteuil club de papa, sur le lit bateau et ses coussins moelleux chez papy, dans les édredons des chambres de la maison de campagne de mamy. Quelques miettes, rarement des livres non finis, même si parfois ils devenaient laborieux, frustants ou totalement hors de mes goûts. Néanmoins ma curiosité me comblait car ma mémoire s'amusait de cette culture inconsciente, de ces dégustations gourmandes avec des menus toujours nouveaux. J'ai aimé lire, j'aime encore lire, toujours avec la même passion, avec un ou deux livres commencés dans mon sac à main, sur une tablette proche du lit, dans le salon. Là en attendant la rentrée littéraire, mon retour de vacances dans mon magasin, une librairie, je lis encore sur le coin de l'oreiller, le nez avec le parfum du papier. La tête dans les émotions, endormie sur ce coussin tricotés de mots.
Nylonement