Embrassée par ce soleil, quelques pas dans cette rue, un virage à gauche et soudainement un quasi silence, je respire l'été. Ma vie est sereine, calme comme ce ciel bleu.
Dimension temporelle, ici les murs datent du coeur de la ville, des maisons anciennes, des jardinets mousseux de verdure, quelques roses, un trait de parfum mêlé avec les repousses de glycines. Un charme fou, éloigné de mon nouvel appartement, lui dans un immeuble neuf, une résidence tranquille, blanche derrière la porte avec code, es escaliers impersonnels, un ascenseur en acier froid, de la moquette devant des portes sans nom, je découvre les autres facettes de mon quartier. Une autre époque, des vies différentes, une envie curieuse de voir, non la vie des autres, encore moins leurs turpitudes et amours, mais le style, l'agencement d'un autre temps. Années Belle Epoque, Années folles, des maisons qui portent encore avec fierté leurs petits carreaux, leurs marquises et leurs perrons avec quelques marches, des portes larges, parfois avec des couleurs, du rouge ici, verni, une beauté juste en souvenirs de films d'autres générations.
Quel atmosphère derrière ? Un couloir, des carreaux, un univers vers d'autres portes. Qui a poussé ces poignées ? Des belles en robe larges, des jupons et des corsets, des coiffures et des tenues de jours, bien sûr aussi des habits du soir, des bas de soie. Mais à côté des femmes, des madames et des mademoiselles, il y avait aussi les domestiques, des ombres, des costumes noirs, des tabliers blancs, des bas de coton. Des silences, des codes, des meubles qui ont vu la modernité progresser dans un cercle de nouveautés toujours nouvelles, toujours désuètes face à la prochaine innovation. Des belles voitures après les fiacres, des malles et puis des valises, des élégantes et des gentlemen, tous ont défilé ici. Dans le parfum de ces roses jaunes, anciennes, lourdes de pétales, signature de ce bout de jardin, je m'asseois, je voyage dans cette rue, un brin de poésie et de pragmatisme, architecte de formation, jeune associée d'un cabinet de cette ville, j'aspire les lieux, pour mieux les appréhender dans leurs évolutions, mais aussi pour des possibles restaurations. Là une maison abandonnée, là des maisons de notables, des jardins plus grands, des allées, des femmes du passé avec des ombrelles, un chien racé auprès d'elles, des enfants. Chaque époque a vécu ici, j'aimerai trouvé des photos, comprendre leurs chemins des habitants, un peu de ce patrimoine qui les a entourés.
Page de mode, chambre, jardin, statut social, chacune avait une place, un coin à elle, une intimité. Bonne ou patronne, je rêve de cette magie à voir revivre en accéléré ces tenues, ces entrées et sorties, ces rituels, ces saluations et ces lourds paniers, ces bises d'amour, ces instants de solitude. Le soleil sur moi, une réponse, je ferme les yeux, elles sont toutes là, evant moi, en mouvement. Une maison, quinze femmes, toutes en habits de leurs époques. Incroyable !
Un sourire, un trait d'union, la guipure du col de l'une d'elle, la même que celle de mon short. Le temps passe.
Nylonement