Comment ais-je pu tomber amoureuse de cet homme ?
Certes quand il est arrivé à cette soirée, les copines, voyant mes yeux collés sur lui, m'ont expliqué qui il était. Bon parti né avec une cuillère en argent dans la bouche, de belles études dans des universités internationales, beau gosse (çà je le voyais, je ne le quittais d'ailleurs plus au milieu de cette foule, de cette terrasse privée !), une carrière dans les médias. J'avais aperçu ce type entrant dans la lumière, comme dans une publicité, là dans cette soirée d'été, invitée par hasard de copinage pour me détendre entre cocktails et musique pop-électro, je buvais avec le regard perdu dans le ciel étoilé. Lasse des récentes chaleurs d'été, je promenais mes talons hauts, ma tunique blanche et turquoise sur peau bronzée dans une fraîcheur retrouvée, je vivais la plage mais en centre-ville. Rien de spécial, je ne connaissais quasiment personne, et l'ambiance portait vers une prolifération de marques, de bling-bling assumé, de cris enthousiastes (mais faux) d'amitié, de grands déballages de bonheur avec un snobisme suspendu. Ici chacun discutait avec une voix off soit ailleurs dans d'autres pensées, soit en pleine somnolence intérieure face à ces échanges insipides.
Avec mes amies, le trait d'union qui m'avait ouvert cette terrasse, j'oscillais entre cette flûte de champagne rosé et quelques fraises dedans, mes talons et mes hanches dans le rythme musical. Ponctués de son arrivée. J'ai écouté le CV, j'ai misé direct sur lui, et pourtant il semblait si loin de mes goûts. Simples d'ailleurs. Littérature, bons films, un peu de blogging, des sorties au restaurant avec des copains de lycée, d'études de premiers boulots, des gens sincères, des amitiés réelles. J'aimais mon petit studio, mon nouveau job de création dans le design, ma discrétion sauf les jours de folies vestimentaires, ces jours où la mode me faisait vivre dans le corps d'une autre. Simplicité avec un peu d'excentricité, mais aucun snobisme avoué, aucun penchant non plus pour les princes charmants, beaux, riches, avec belles bagnoles et grosses montres. Je rêvais de confort, de bonheur quotidien avec un amoureux, des tartines, du thé, un jus d'orange, un chat, un lit, un canapé, une voiture d'occase pour les vacances.
Et là, le lendemain, j'avais juste un drap sur moi, une baie vitrée immense donnant sur la mer, le ciel bleu. Splash. Une vague, de l'eau, un corps en mouvement, une piscine en prolongement de la terrasse en bois. Lui. Je me suis souvenu de ce voyage, de ce regard avant de tomber dans ses bras, de ses paroles, de nième cocktail avec la vue sur les toits de cette ville, puis de son cabriolet, de mes jambes nues sur le tableau de bord, de nos rires dans la nuit, sur l'autoroute, vers ce lieu. Après les souvenirs sont plus confus. Nuit, sexe probablement, amour pas vraiment, le prince charmant était fatigué, l'alcool n'aide jamais sauf dans les films.
Enveloppée du drap blanc, ne discernant pas ma robe, ni aucun sous-vêtement dans la grande chambre, je suis allée vers lui, dehors, près de l'eau bleue.
"Tu piques une tête, rien de mieux pour commencer une journée."
Seule ma montre sur mon bras. Nous étions déjà en début d'après-midi, nous avons nagé, refait l'amour, mangé des fruits de mer, profité de ce lieu. Mais après deux jours, j'avais l'impression d'être loin de moi, dans un luxe inadapté, sans plaisirs vrais. Une prison d'été.
Nylonement