Rousse je suis, rousse j'ai toujours été.
Différente dans le regard de certains, anecdotique dans la foule. Certes les cheveux roux, les vrais, avec cette couleur de feu, souvent associés à une peau claire sont rares, moins prépondérants que les teintes châtains, les brunes et les blondes, les fausses blondes. Dans mon cas, c'est ainsi depuis ma naissance, depuis le jour où ma mère m'a posé sur son ventre, les cheveux humides du voyage dans son corps.
Grandir, ignorer les remarques dans la cour d'école, pire encore les mots blessants des adultes, presque éffrayer par ma simple chevelure, comme une tradition héritée, une époque ancienne où le roux devenait sorcellerie. Je n'ai pas compris, ma mère, mes grands-frères, mon père, tous m'ont défendue, expliquée aussi cette non-différence. Puis je me suis fondu dans la masse, les études, les tribus d'adolescents. Les premières surprises-partys, les premiers baisers, les sourires, les selfies inoubliables d'un compagnon vite oublié, j'ai pris des formes, je sis devenue jeune femme assez vite, sautant la case jeune fille, avec comme signature cette longue chevelure rousse. Moi, mon identité.
Plus récemment, un hasard, une soirée dans ma ville de jeunesse, une mondanité locale, une invitation, loin de ma vie à Londres, loin de mon univers professionnel, un retour en province, je suis allé à cette soirée. Retrouvant un ami de ma génération devenu maire de la ville, d'autres personnes connues, des amis d'enfance perdus dans les annéeséloignées d'ici, et quelques personnes, pas vraiment relations de classe, mais présentes dans mes années lycée. Des pimbêches qui soudainement réapparaîssent toujours avec leurs figures ternes, leurs corps et leurs codes dépassés, j'ai souri. Mais comme les cons, plus encore ceux vivant dans un snobisme du paraître, osent tout. L'une d'elles est venue vers moi, pour parler comme si nous étions copines, mais j'ai de la mémoire, et je l'ai revu plus jeune, dans son groupe de jeunes friquées étalant les marques des chaussures à leurs modes complètes en passant par le sac à main. Suivant les tendances les plus douteuses, les chaussures compensées de chez untel, les robes imprimées moches de chez machin. Elle et ses réflexions et autres commentaires désagréables sur les autres non fagotées comme ce mini-groupe. Elle a osé me parler, semblant un peu perdue par mon assurance, par mes cheveux flamboyants, par ma robe d'été en accord avec cette douce soirée, mes talons hauts et fiers. Un compliment poli, quelques mots. Mais je n'ai pas eu de pitié pour elle, pour sa fadeur globale, pour ses cheveux devenus blonds peoxydés pour être toujours juste sans style, pour ses nouveaux seins, pour cette bouche pulpeuse que seules les putes de luxe adoptent. Elle était là, femme du grand coiffeur local, lui-même habillé de marques de la tête aux pieds, mais que ces gens avaient l'air triste. J'ai ri, en reprenant du champagne, la laissant seule dans son coin. J'avais rien à dire.
Et puis le vent embrassait mon cou, sous mes cheveux. Mes parents et mes frères étaient là, eux-aussi, j'avais envie de retrouver ma famille. Leurs sourires.
Quelles flammes rousses derrière moi !
Nylonement