Parler des femmes, ce sujet si fascinant, si trivial, si facile, si complexe, un exercice de style que j'ai pris avec moi, sans aucune prétention, juste celle de vous divertir, de vous surprendre, de vous aimer toujours plus, avec vos libertés.
Je n'aurai pu tout dire, tout révéler, car votre diversité est une richesse incroyable, votre position familiale si présente dans nos vies est si variée. Vos morphologies, vos esprits, vos âges et vos féminités si belles, non pas uniquement derrière un simple regard sur une beauté extérieure changeante, mais avec nos émotions sur vos vies, sur des milliards de vies. Je n'ai que picoré certaines, sans jamais vouloir les formater ou les rentrer dans des cases pour simplifier leur lecture.
Au contraire, j'ai cru bon de laisser le vent léger de l'interprétation, de vos yeux de lectrices et lecteurs, se faufilant entre les mots, les virgules et les points. Se reposant sur quelques photos, pour absorber certains doutes, pour émerveiller nos journées.
Et comme souvent je suis sorti pour une pause, avec mon moi contemplatif toujours prompt à observer la vie, vous, les jambes mais aussi la mode, les allures, les styles, les comportements, les petites phrases. Ce tout qui forme des sources pour d'autres mots.
Derrière une femme, une trentenaire avec deux gamines toutes sages, se gavant de glace à la vanille, des yeux ronds, des petits robes sans tâches à cet instant, bref tranquillement dans cette file d'attente, je regardais la vie.
"Mme ... cà s'écrit comment ?"
Madame, oui effectivement avec deux enfants, probablement les siens, vous savez aujourd'hui on doute de tout, elle aurait pu les louer sur internet. Madame aussi car son âge et sa fraîcheur, à défaut de pouvoir estimer sa virginité (fermez les yeux, prudes esprits), le mot est juste, elle n'est plus Mademoiselle, terme désuet, amusant, galvaudé suivant les usages. Derrière-moi une jeune fille, étudiante, patiente aussi, entre son pull, sa double écharpe, des mouchoirs pour un rhume de passage, un sac besace, une jupette et un collant coloré. L'attente toujours.
"Vous n'êtes pas dans le système."
J'adore cette phrase, nous somes bien des pions dans un vaste monde virtuel et soudain l'humain, enfin l'humaine ici, de chair et de mode (j'avais oublié, un trench court, une robe bleue, un collant noir fin, un joli sac et des escarpins vernis assortis), a disparu. Elle n'est plus là. Et de plus elle n'a pas emmené tous les papiers utiles. Oui la carte de vie, pardon vitale, ne suffit pas pour ses médicaments.
"Ah pourtant je viens ici souvent pour les petites."
"Elles sont sur votre carte ?"
Non dans ces ballerines et avec une glace, devant vous. Je ris intérieurement. Une seconde caisse s'ouvre, voyant la demoiselle succombé à un rhume devenu gangrène voire peste botulique, je lui conseille de passer avant moi.
"Votre carte !"
Oui le bonjour devient optionnel avec les humains. C'est à l'ordinateur que l'on parle.
Et la première relance.
"Peut-être mon nom de jeune fille ?"
Car là est le bonheur, elle va être obligé de déballer sa vie, son amour de jeunesse, son bonheur, son mariage, les enfants, cette voisine très proche, surtout dans le lit avec son mari, un divorce en cours, qui traîne en plus. Car si monsieur apprécie les petits coups rapides, d'ailleurs il ne peut faire mieux, il déteste s'aoccuper de son passé, en l'occurence son avenir, ce lien, ses filles ici présentes avec moins de vanille, et toujours pas de tâches.
La voilà partie sans son livret de famille, sans sa déclaration de divorce en cours, sans ses emmerdes au boulot, sa fatigue, ses larmes et ses mouchoirs. Mais elle est là, bloquée dans un espace-temps à quatre dimensions, coincée entre son nom de naissance, son nom de femme, son envie forte d'ouvlier ce putain de nom, ce connard infidèle mais surtout se révélant un stupide pingre égoiste sans coeur. Elle appartient au système qui lui ne connaît plus de limites, enfin si, celles des taxes et impôts divers. Mais pour le reste, elle va devoir subir des mois, des années de "Madame machin, ex truc, épouse, enfin divorcée, nom de jeune fille et autre fausses identités". Un tourbillon lourd quand parfois la séparation est douloureuse, des traces quasi indélébiles qui feraient parfois douter de qui l'on est.
Madame Machin, avec ses filles au nom de Truc, et si elle se remettait avec son collègue si sympa, une famille recomposée. Le jeu des sept famille en une, avec les enfants de chacun, au nom du père, du fils et ... nom pas de mauvais esprit, de la mère, de son nom de naissance, et si ils faisaient un autre bébé. Un nom, des noms, une famille et puis soi-même au milieu de cela. Non identifiée dans le système, et quête d'un nouveau souffle et pourtant des liens qui vous obligent à changer les rattachements (formulaire 14445 A01). Un détail, pas vraiment.
Là, le seul être mâle convient qu'il est une exception, car lui ne change pas durant sa vie de nom. Nada, jamais, ainsi-soit-il !
Alors que la jeune fille, elle aussi explique que elle doit être avec la mutuelle de son nouveau beau-père, sa mère est malade, son boulot l'a lâché, pas lui, au contraire. Il les a prise sur sa carte, mais ils ne sont pas encore pacsés après quinze de vie commune. Non elle n'a pas de père , enfin si, un type parti un jour, jamais revu. Sans signe de vie ou de mort, bref elle a un nom, et là elle veut des médicaments pour son lupus du nez, pour ce choléra ultra-contagieux. Ah oui cette allergie aux délires technocratiques.
Je suis éffaré, par cette non-liberté, cette source de problème et pour moi d'identité, que l'on a ajouté "naturellement" à leur statut de femme, mariée. Une liberté en moins, récurrente dans des justifications impossibles, des violations de la vie privée et autres déballages de qui l'on est, qui l'on a été, sans penser de plus à qui l'on veut être.
Finalement, je suis reparti sans rien, j'avais envie d'une glace à la vanille avec des pépites de vrai chocolat noir. Sans avoir à donner mon nom, pour justifier mon statut de gourmand.
Nylonement
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