La lumière était là, bien présente, comme assise à côté de moi, sur les chaises vides de cette salle d'attente. Etrange lieu d'ailleurs, habituellement confiné entre deux séries de portes, avec des revues cornées et dont les pages de mode dataient largement, des fausses plantes et d'improbables tableaux modernes ne donnant aucun sens à notre regard, aucun retour dans nos pensées, celui-ci était différent.
Lumineux, car en lieu et place du mur, une immense baie vitrée donnant en hauteur sur le boulevard adjacent, sans le bruit des véhicules, juste le passage des oiseaux, de gros pigeons de ville, une haie de bambous et de fleurs blanches à mi-hauteur sur le court balcon, et aucun rideau. Le soleil attendait lui aussi sa consultation. Chaudement posé sur les chaises vertes et jaunes de la salle, sur un parquet en bouleau clair, deux tables basses également du même bois, modernes mais présentes, pas une vision jetable.
Etonnant lieu, étonnant contact sans humain, une porte automatique, un code fourni par sms ou email, une série de chiffres et me voilà assise devant une revue d'art, de cuisine, de cinéma, de mode. Quatre magazines seulement, soft, peu courant, plutôt branché, et datant du mois en cours. Un test peut-être, pas de caméra, des plantes dans le coin, des pots de couleurs vives de différentes hauteurs, j'attends. J'observe, je me regarde aussi dans ce long miroir en horizontal sur le mur, il coupe les jambes, mais donne le volume de soi, de notre buste, de notre tête, de nos doutes, de nos douleurs. Déforme-t-il ?
Un bruit, sur le mur derrière moi, un écran que je n'avais pas vu, deux écrans, trois écrans verticaux, surprenant, une musique sobre, un brin jazzy, des touches délicates d'un piano swing. Et sur les paes numériques défilent des corps, des femmes, des silhouettes, des variations nombreuses. Pas uniquement des midinettes de quinze ans vantant des crèmes anti-âge alors qu'elles n'en sont qu'aux besoins anti-acnée. Pas de perfection, des femmes, des photos élégantes, de rue, de mode en mouvement, pas de vidéo, mais un spectacle vivant, je me lève, je me pose sur les chaises en face.
Grandes, petites, maigres, trop maigres, malades pour être si fines, rondes, très rondes, grosses voire obèses, jeunes, moins jeunes, quadra, quinqua, senior, silver, tous les âges passent et se croisent, adultes, femmes classiques, femmes glamour, femmes en jean. Mais toutes ont le sourire, un point commun. Un sourire avec un téléphone, un message heureux, un sourire de mode, un sourire pris par hasard, une moue des lèvres pour dire les sentiments, elles sont aussi sources de lumière.
Différentes, en toutes saisons, leurs modes le démontrent, elles bougent, elles vivent, elles souffrent peut-être mais elles croient en une image positive de la vie. D'ailleurs des images me ressemblent aussi, ce foulard sur la tête, cette couleur fade de moi-même il y a quelques mois, je me rappelle. Oui au milieu de cette foule, de cette belle énergie, il y a des femmes malades, atteintes comme moi du cancer, victimes mais aussi vainqueurs sur la maladie. J'en ai souffert, avant sans savoir, à l'annonce très fortement dans mon corps et ma tête, pendant le traitement, seule, mais aussi supportée par mon mari aimant, mes amies, après encore. Maintenant. Aujourd'hui je viens voir cette femme, sur recommandation, elle est kiné, elle masse les chairs meurtries par l'ablation, elle redonne du tonus et de la souplesse pour vivre les mouvements du bras, de l'épaule plus facilement. J'ai besoin d'elle, de ce rayon de lumière car le chemin sera long encore pour oublier, pour revivre sereinement
Nylonement