Etrange voyage dans le réel comme dans le figuré, je suis ce soir dans cet hôtel merveilleux, au sud du Maroc, l'équipe de shooting fête dans la bonne humeur, le soleil qui nous manque tant actuellement en France, la fin de nombreuses heures d'essyages, de poses, de stylisme, de sable un peu partout.
Et les esprits se lâchent un peu, je suis nouvelle dans le métier, pas comme les autres, plus grande, pas si fine, mais surtout plus âgée. J'ai fait mes études, finies même mon mastère pour finalement enfin profiter de la nième proposition de faire mannequin. J'avais posé un peu pour moi, des copines, des photographes devenus des amis, mon petit ami même, mon fiancé. Mais cela m'avait permis de m'exprimer, de rentrer dans le jeu des envies de l'autre, de sa mise en scène, me libérant d'une timidité et paradoxalement me permettant d'accepter mon corps. Oui trop grande, trop noire dans une famille métisse, trop jeune pour être si belle. Je complexais de tout, de ces petits riens qui deviennent des obsessions de jeune femme.
Ce soir, je me retrouve face à des questions, d'où je viens, face à l'Afrique, face à des raccourcis, car tous sont persuadés que je connais le continent. Eh bien non, je suis allé plus souvent au ski, dans les Alpes, mais jamais dans le moindre pays africains. Un blanc, du moins un silence dans une équipe mêlant mixité de physiques et de cultures. Asie, europe de l'est, magreb, pays variés entre le photographe allemand, les deux assistants slaves, les maquilleuses et coiffeuses parlant une langue inconnue, les stylistes gays et anglais, les assistantes et scriptes vaguement suédoises ou néerlandaises, du personnel divers, un dessinateur algérien, un mélane où je ne suis qu'une goutte d'eau pour diluer le tout.
Oui c'est étrange car mes origines sont mixées aussi, des grands-parents des îles, un père certes noir mais né à Lille, une mère métisse mais bretonne, une belle-mère super mais terriblement blanche, des soeurs et frères de toutes les couleurs. Et notre culture, notre milieu social , des parents cadres hospitaliers, plus favorisés, je suis loin des clichés, j'ai toujours vécu avec une culture melting-pot. Sans y réfléchir, certes en avalant les remarques racistes parfois mais les enfants sont terribles entre eux, la couleur, les apppareils dentaires, la coupe de cheveux, l'acné, les mauvaises baskets, tout est sujet à vacherie, rien de plus pour moi. Et le côté culture et traditions, la bouffe venait de tous les pays du monde, celle du centre commercial d'à côté, des restaurants, des fast-foods. Pas de religion, sauf celle de la gourmandise. De la lecture aussi, des études aussi.
Je grandis, pour découvrir, avant-hier les parfums de l'Afrique, du tagine, du souk, du sable chaud. Un univers parallèle au mien, quel sourire intérieur en regardant leurs yeux tous ronds ce soir. Surtout que le rédacteur, le chef de notre troupe, un blanc, même un peu trop âle à force d'écrire dans son bureau sans fenêtre et lumière naturelle, lui, en rigolant, il a précisé ses origines. Ici Casablanca, son enfance, son Afrique, ses potes, sa nounou, sa vie, son exode, sa nouvelle vie, ses souvenirs des parfums, sa nostalgie. En l'écoutant j'ai eu une larme, car nos coeurs se sont croisés, nos cultures, nos valeurs, nos vies, nos âges, tout cela ne veut rien dire. C'est une part de nous, invisible, profondément cachée parfois, une caricature extérieure aussi quand le regard des autres juent sur l'apparence.
Nous avons ri de nos racines mêlées à tous, pour nous définir tous comme des humains, un peu fous, un peu saôuls de fatigue et de vins, enivrés de nos histoires différentes mais venant des mêmes gènes.
Nylonement
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