Une étrange mécanique, celle d'un regard perdu dans le froid de l'hiver, venant de mes yeux fatigués par une nuit d'écriture et de douleurs, partant de ce banc où je suis assis, emmitouflé dans mon manteau. Mes mains sont au chaud dans les gants, et j'essaye de penser à autre chose, choqué ou dégoûté par cette société qui se croit égalitaire et juste, tout en oubliant de protéger sa plus grande valeur, l'humain.
Le mécanisme répété de mon regard, non figé par le froid envahissant qui sclérose mon corps vide, seules les émotions jonglent en version aller-retour, entre ma vue et les belles passantes. Drogue douce, comme je pourrai passer des heures à contempler un vallon d'un bocage normand ou la mer dans tous ses états, je suis un contemplatif totalement amoureux de la beauté dans la diversité des femmes. Jeunes étudiantes qui passent, courent vers un amphi voisin, portant leurs sacs à dos ou leurs grands sacs à main avec des feuilles, des livres débordant. Mères avec les poussettes, sages en observant leurs bébés endormis, elles papotent et suivent le chemins des premières primevères dans le square voisin. Femmes toujours, actives ou comme les trois à côté de moi, en recherche d'emploi, qui se partagent des bonnes astuces pour convaincre, pour trouver un petit job, un bout de salaire, un bout de pain pour nourrir leurs enfants. Elles croient encore. Femme seule avec un dossier sous le bras, une clef sortie du sac pour ouvrir cette boutique, son espoir, sa porte vers l'avenir. Elle attend les clientes pour son onglerie, lit les charges qu'elle paiera même si la journée reste comme l'agenda, vide. Elle sourit devant sa porte. Femmes élégantes, retraitées sortant entre amies de chez le coiffeur, belles, elles rayonnent en traversant cette rue. Femme lente, comme cette mamie, seule avec sa canne, qui souffre de son arthrite ou d'une autre séquelle de l'âge, mais garde son habitude, son plaisir routinier de sortir pour le boulanger, puis les miettes pour les oiseaux du bord de l'eau, pour sentir l'air frais, comme elle le faisait encore avant avec son amoureux. Oui cet homme qu'elle a aimé durant des décennies. Elle lève les yeux vers le ciel bleu, ajuste son écharpe contre l'hiver, regarde devant elle, par prudence et surtout en espérant toujours mieux pour l'avenir.
Rassuré, je reprend mes douleurs et mes doutes avec moi, ma dose de féminité dans mes neurones, je repars me battre, et vous aimer en déposant des mots ici.
Nylonement