Je dors peu, je rêve probablement, je ne m'en souviens jamais, je préfère la vie réelle. Et depuis hier, la réalité a rattrapé les volutes et autres tourbillons de mon inconscient. Dans un premier temps, je n'y croyais pas vraiment mais les chaînes d'information avaient affiché leurs logos urgents, sur leurs bandeaux en lettres rouges. Urgent, je ne sais pas si c'est le mot exact mais important aurait été plus juste. Depuis des mois, la crise économique était résolue, les banques prêtaient enfin l'argent sans le jouer en bourse, aux entreprises pour créer du business. Les emplois étaient là, nombreux, une euphorie joyeuse et consommatrice. Les lois étaient annoncées dans un sourire, même pour de nouvelles taxes car l'état gérait avec justesse ses dépenses, offrant un système éducatif efficace aux étudiants, des réels accompagnements de santé aux jeunes, aux adultes, aux seniors. Tout était quasi parfait, seul le ciel était gris, mais une banale normalité en plein hiver.
Le dernier sujet qui avait animé les députés et une partie des électeurs via un système participatif interactif bien développé, était un sujet de mode. Des lobbys bien orientés et surtout des campagnes publicitaires répétitives et subtilement glissées entre les pages papiers des magazines féminins et masculins, sur tous les réseaux sociaux, des affichages élégants et plus récemment des documentaires distillés en seconde puis en premier partie de soirée à la télévision. Une mode naissait.
Plutôt renaissait !
Les bas nylon étaient merveilleux et les superlatifs s'enchaînaient sans relâche. Ainsi les chanteusesn'étaient plus les seules à arborer ce nouveau signe de féminité, sous des jupes légères, dans leurs chorégraphies pailletées. Le premier coup d'éclat était venu de la présentatrice des infos du 20H, qui dans sa partie où elle se mais debout, où pose parfois une fesse sur son bureau, elle avait dévoilé sa cuisse, son éclar glamour. La mode applaudissait l'audace, le nouveau signe féminin et plus encore féministe de cette quinqua. Imméditament et habilement repris par les médias, mais aussi par les autres présentatrices, les invitées, personne ne se cachait.
Irrémédiablement, l'info, le détail avait été couronné par l'avis des experts, des passionnés, des spécialistes et des historiens, des témoignages du passé, du vintage. Une batterie d'interventions et de passion, car au-delà des mots, des échanges, favorables dans leur plus grande majorité, les images et les illustrations étaient nombreuses. Filmographie, bibliographie, sites web spéialisés, interviews de référence, interventions anciennes ou récentes de personnalités qui ne cachaient ce plaisir personnel. Toutes et tous argumentaient en sa faveur.
La nouvelle loi, le résultat d'un lobbying, mais peut-être aussi d'une adéquation égalitaire, d'un féministe libre de ses choix, une nouvelle élégance de mode, une tendance, tant d'arguments que l'on identifiait difficilement l'origine, la source de ce projet validé.
La nouvelle loi avait été voté après quelques débats, autant par les représentants que les citoyens, et surtout avec une parfaite égalité entre les votants femmes et hommes.
OUI unanime, le Bas Nylon devenait obligatoire.
Et immédiatement, du moins avec une courte période pour adpater le marché, vider les stocks, les collants étaient bannies. Seuls les leggings épais seraient tolérés en hiver, en période ou dans les zones froides, avec des chaussettes.
Ce complément logique de la précédente loi sur le port des jupes et des robes, liés à la recommandation ministérielle sur les talons, sur leurs hauteurs, sur les bottes et cuissardes, et bien évidemment sur les escarpins.
Des raisons hygiénistes, des conseils de mode, des rappels pratiques, des émissions de débats sur le choix des quatres, six, huit, dix ou douze jarretelles, des nouvelles marques, des nouvelles coupes adaptées à toutes les morphologies, le monde dévoilait, au sens propre et figuré, tous les atouts des bas nylon.
Des grandes figures de la mode, des expertes de la lingerie vantaient et montraient ce nouveau look, ce bonheur et cette liberté féminine. Un plus pour vivre sa féminité, et la séduction était aussi évoqué pour ajouter des étincelles de rêve dans les yeux de toutes et tous, compagnes et compagnons. Certains évoquaient aussi des probables soucis de rupture de stock, d'autres s'enorgueillissaient de nouveau savoir-faire, de nouvelles filières de production à l'ancienne de cette finesse exceptionnelle, d'innovation et de nouveaux emplois. Le marché serait grand, souriant, réjouissant. Les bas nylon deviendraient modernité avec des nouveautés régulières, des informations partagées partout, un regard nouveau sur le visible, sur les détails invisibles de notre société. Une nouvelle liberté, un droit obligatoire !
Les bas nylon seraient avec ou sans couture suivant les créations actuelles ou à venir, mais la volupté triompheraient sur nos trottoirs, dans les bureaux ou dans les soirées. Avec discrétion, mais ils seraient là, accessoires magiques, quasi invisibles, mais pourtant simplement tendues à fleur de peau.
Pour le bonheur de la mode, de nos yeux sensibles et de nos mains épicuriennes.
Je vous laisse à vos rêves !
Nylonement
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