Je n'avais pas vu la vie aussi horizontalement depuis longtemps. Drôle de pensée, presque un sourire au fond de moi, la première idée me venant au contact du sol froid.
J'étais là, étendue, voyant le monde bouger sans me suivre vraiment, les nouveaux alignements de ce quai de métro, les publicités en version grand large sur les courbes incurvées du plafond. D'autres dimensions s'offraient à moi, une perspective différent, délirante même.
Un souffle, une rame de métro, l'air chaud de la machine, l'air froid de l'extérieur brassés dans un tourbillon commun, mon visage, les regards, j'étais en pleine extension. Lentement j'ai repris forme, douement j'ai tourné la tête, j'ai les barres néon, les lumières blafardes, les fils életriques, la poussière, plutôt la crasse. Un monde cachée de nos yeux habitués, plutôt orientés vers le sol. Mais là tout s'inversait, je partais du bas vers le haut, presque un coup d'oeil sous les jupes. Surtout un aperçu grotesque de la vie d'en haut, là au-dessus d'eux.
Brouhahas, bruits, foule, murmures et déjà d'autres pas, des vies qui défilent, et mon échappée de gastéropode humain se savourait en silence.
Et si je me collais à ce milieu, je grimpais là-haut, doucement, sans baver, sans glisser, juste en rampant le long de mes bras mous, des mes jambes sans vie, mollement. Prendre la forme des lieux, suivre l'arrondi de cet ellipse souterraine, qui va d'un quai à l'autre, renvoit en ses deux foyers opposés, les plus discrètes discussions d'un côté à l'autre. Sans bouger, juste en posant les yeux, je vois les prises, les repères pour mieux fuir cette position devenue incertaine, là sur le sol froid. Je me refroidis, sans me mouvoir, malgré une terrible envie de découvrir de nouvelles dimensions, de nouveaux espaces. Troublant d'ailleurs.
Trouble tout court, sans douleur aucune, je reviens vers lui, vers cette homme à genoux, il me parle. Je reprends pied, toujours mollement, un flou en me redressant, il m'aide. A deux, ils me soutiennent, un malaise vagal, un étourdissement, le début d'une perte de repères. Dommage, cette vision m'enchantait, comme un rêve, un nouveau voyage vers ailleurs.
Nylonement
Copyrights La danseuse et professeur de yoga slovène Anja Humljan en collaboration
avec différents photographes pour envelopper de lumière l’architecture
dans les rues de New York, Madrid et Paris et les sculptures des positions de yoga.